Par CHANTAL BEAUPRÉ

Il y existe, dans tout contrat d’emploi, un terme implicite à l’égard duquel l’employeur s’engage à n’apporter aucun changement substantiel aux conditions d’emploi d’un employé, de façon à constituer un bris fondamental de la relation d’emploi.

Ainsi, lorsqu’il y a violation de ce terme implicite et que l’employer impose un changement fondamental qui, de façon substantielle, modifierait les termes essentiels du contrat d’emploi de l’employé, il est possible que l’on se retrouve dans une situation de « congédiement déguisé ».

Une décision récente de la Cour d’appel de l’Ontario a examiné la question du congédiement déguisé entourant l’omission d’un employeur de payer un boni de quelques trois cent mille dollars (300 000$) à un employé. Notamment, la Cour d’appel de l’Ontario, dans l’arrêt Chapman c. GPM Investment Management, 2017 ONCA 227, a dû déterminer s’il y avait violation fondamentale des termes du contrat de Monsieur Chapman (justifiant ainsi une réclamation en congédiement déguisé) lorsque l’employeur a modifié les termes entourant le paiement d’un boni à l’employé qui était prévu par les termes de son contrat d’emploi.

Les Faits

Monsieur Chapman avait travaillé pour la société GPM Investment Management pour neuf (9) ans, à titre de Président.  Les modalités d’un mémorandum d’entente conclu entre Monsieur Chapman et la société établissait les balises entourant le paiement de boni à Monsieur Chapman lors des trois prochaines années de son emploi, soit de 2008 à 2011.

En 2011, la société décide unilatéralement d’exclure certains profits de la société du calcul pour fins de boni de Monsieur Chapman.  L’exclusion de ces profits du calcul, malgré l’entente au contraire des parties, menait à une réduction du boni de Monsieur de 329 687$.

Insatisfait, Monsieur Chapman quitte son poste et initie une action en justice pour congédiement déguisé.  La société répond à l’action en alléguant plutôt que Monsieur Chapman avait volontairement démissionné de son poste, n’occasionnant ainsi aucune indemnité de départ quelconque (ce que Monsieur Chapman réclamait dans le cadre de son action pour congédiement déguisé).

Le tribunal de première instance a conclu que l’employeur avait effectivement violé les termes de l’entente conclue entre les parties, en omettant certains profits du calcul du boni de Monsieur Chapman.

Toutefois, le tribunal a déterminé que la question en était une reliée seule à l’interprétation du mémorandum d’entente conclu entre les parties, plutôt qu’une question reliée au changement unilatéral de la rémunération de l’employé, justifiant ainsi un congédiement déguisé.

À cet égard, le tribunal stipule que « disagreement regarding the calculation of a bonus is not necessarily constructive dismissal ».

Précisément, le tribunal a déterminé qu’il n’y avait pas eu modification des termes fondamentaux de la relation d’emploi. Ces termes fondamentaux, notamment le poste de Monsieur Chapman, sa rémunération et le calcul de son boni, demeuraient les mêmes. En l’absence de preuve de changements fondamentaux aux termes de la relation d’emploi, le tribunal ne pouvait conclure à un congédiement déguisé.

D’autant plus, le tribunal a mis beaucoup d’emphase sur le fait qu’il n’y existait aucune preuve de conduite de la part de l’employeur qui démontrerait une intention par ce dernier de ne plus être lié par le contrat d’emploi.  Cette omission de non-paiement n’était qu’un événement unique ne pouvant plus se reproduire dans les années subséquentes.

Ainsi, le tribunal de première instance, dont la décision fut confirmée en appel, a déterminé que Monsieur Chapman n’avait pas rencontré le fardeau nécessaire pour démontrer l’existence juridique d’un congédiement déguisé.

À retenir de cette décision….

Cette décision nous démontre la précarité associée à une action en justice pour congédiement déguisé, surtout lorsque certaines décisions antérieures, dénotant des circonstances et faits similaires, ont résulté dans une décision différente à celle de la Cour de l’appel de l’Ontario dans Chapman c. GPM Investment Management.

L’employé, qui se retrouve dans une telle situation, devrait songer avant d’agir, soit en quittant son poste et en alléguant un congédiement déguisé.  Notamment, cette réflexion devrait mûrir d’autres options qui s’offre à lui, tel l’arbitrage ou une action pour dommages-intérêts (tout en maintenant la relation d’emploi).

En bout de ligne, l’omission de payer un boni, à une seule reprise, en l’absence de d’autres modifications aux termes fondamentaux de la relation d’emploi, pourrait ne pas rencontrer le fardeau imposé par la jurisprudence en matière de congédiement déguisé.

Toutefois, avis aux employeurs :  ne vous fiez pas sur cette jurisprudence pour vous mettre à l’abri d’une poursuite en congédiement déguisé, si vous retenez le paiement d’un boni dont vous êtes légalement tenu de payer à un employé.  Chaque situation est particulière et doit être considérée ainsi.

Le contenu de cet article ne constitue aucunement un avis juridique et n’engage pas son auteur. Si vous voulez un avis relatif à votre situation spécifique, veuillez nous contacter.