PAR MATHIEU DEMILLY – La Cour supérieure de justice de l’Ontario a rendu une décision importante dans le cadre du droit de l’emploi et du travail en reconnaissant le délit civil de harcèlement.

Merrifield, le demandeur, était employé de la Gendarmerie royale du Canada (« GRC ») depuis 1998 et faisait partie d’unités de lutte contre le terrorisme, les crimes organisés, les opérations spéciales et la sécurité nationale.

En plus de son travail, M. Merrifield avait un intérêt pour la politique et avait obtenu un congé pour se présenter à une élection fédérale.

Les relations entre M. Merrifield et sa hiérarchie se sont dégradées au cours des années, au point où M. Merrifield a subi un traitement irrespectueux, a fait l’objet d’allégations de fraudes et été le sujet d’enquêtes pour des crimes infondés. M. Merrifield s’est même vu imposé un transfert jugé in fine disciplinaire par sa hierarchie.

Merrifield a poursuivi en justice la GRC notamment pour violation de contrat, délit de souffrances morales et délit de harcèlement. La GRC a contesté l’action en argumentant que le délit de harcèlement n’a jamais été reconnu en Ontario. Il est à noter que M. Merrifield ne s’est pas fondé sur l’article 5 du Code des droits de la personne en Ontario pour argumenter le harcèlement.

Au terme d’une longue décision, la Cour a décrit de manière détaillée tous les actes incongrus pris par la hiérarchie et qui ont causé du tort à M. Merrifield.

Au final, la Cour a donné raison à M. Merrifield et condamné la GRC a payé des dommages-intérêts pour harcèlement reconnaissant ainsi de manière claire l’existence d’un tel délit en Ontario. En faisant ainsi, la Cour a énoncé les critères pour établir le délit :

  1. Est-ce que le défendeur a eu un comportement outrageant envers le demandeur ?
  2. Est-ce que le défendeur avait l’intention de causer du tort psychologique ou démontrait un profond mépris causant du tort psychologique ?
  3. Le demandeur a-t’il subi un préjudice psychologique grave ?
  4. Le comportement du défendeur est-il la cause réelle et suffisamment proche du préjudice ?

En l’espèce, la Cour a conclu que la GRC s’était rendue coupable des délits de harcèlement et de souffrances morales. La Cour établit une distinction subtile entre ces deux délits :

[839] The test for intentional infliction of mental suffering is similar to the test for harassment. One difference is that in addition to being outrageous, the conduct resulting in intentional infliction of mental suffering must also be flagrant. Another difference is that the plaintiff must show that he suffered a visible and provable illness.

La Cour a refusé l’action en contrat puisque, selon la Cour, la relation entre M. Merrifield et la GRC est régie par la loi et non par un contrat.

Au final, la Cour a ordonné des dommages-intérêts généraux de l’ordre de 100 000 $ et des dommages-intérêts spéciaux de 41 000 $.

Il sera intéressant de voir si cette décision est portée en appel et si la Cour d’appel valide le jugement. Il est tout aussi intéressant de noter que dans K.L. v 1163957799 Quebec Inc., 2015 ONSC 2417, la Cour a expressément refusé de reconnaître le délit civil de harcèlement sexuel. Si une ou un employé est victime de harcèlement sexuel, le recours se fait devant le Tribunal des droits de la personne.

Que retenir pour les employeurs ?

La portée de cet arrêt n’est pas encore clair, toutefois, les employeurs devraient prendre acte de celui-ci et se conformer à leurs obligations de prévenir et protéger les salariés victimes de harcèlement moral sous peine d’être poursuivis au civil.

Que retenir pour les employés ?

Le harcèlement était déjà prohibé par le Code des droits de la personne. Toutefois, les employés disposent maintenant d’un accès aux cours civiles pour faire valeur leur cause d’action. Ce délit semble plus facile à établir que le délit de souffrance morale.

Enfin, comme noté plus haut, les cours civiles ne semblent pas vouloir accepter compétence pour le harcèlement sexuel, ce qui est fort regrettable. Nous espérons que la Cour d’appel se penchera un jour sur cette incohérence du droit.

Que vous soyez demandeur ou défendeur, une instance civile est toujours stressante et complexe. N’hésitez pas à contacter Mathieu Demilly ou n’importe quel autre avocat de notre cabinet pour obtenir notre opinion sur votre dossier à mathieu@listerlawyers.com ou en appelant le 613-234-2500.

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